Cette année dans le cadre du
Jour de la Terre Inc, un appel à un contingent anticapitaliste pendant la marche du 21 avril est venu gâcher le rituel d’autoflagellation et de
greenwash.
Un an presque jour-pour-jour après
l’émeute sauvage du Salon du Plan Nord
– pour plusieurs le moment décisif où la grève étudiante transcenda son
identité réductrice et pris la forme d’un soulèvement contre l’autorité
– c’était inspirant de revoir les drapeaux verts et noirs dans la rue,
portés par une foule d’une centaine de personnes bruyantes et pleines
d’énergie, contrastant intensément avec les milliers d’autres dans cette
Marche pour la Terre Inc
qui ressemblait plutôt à une procession funèbre de ceux déjà prêts à
l’enterrer. Par ce même contraste c’était assez clair où dans toute
cette foule reposait le vrai désir d’affronter l’immensité de la tâche
de libérer cette planète de sa destruction.
La marche comme tel a duré une quarantaine de minutes. La foule du
contingent anticapitaliste apportait une présence anticoloniale et
anarchiste par ses slogans et ses bannières. En fait, le contingent
semblait être le seul endroit dans la foule où on criait des slogans… en
fin de compte, qui apportait une présence quelconque. C’était aussi le seul endroit qui fut flanqué par les flics.
« sables bitumineux, Anticosti, Plan Nord, loi Omnibus /
les vrais casseurs sont au gouvernement »
Lorsque la tête de la marche arriva à son point d’arrivée, la Place
du KKKanada, une grande bannière de quatre mètres, verte et noire, où il
était inscrit « L’économie VERTE est une ARNAQUE / TUONS le CAPITALISME
avant qu’il nous tue » fut hissé entre deux arbres, en pleine face de
l’événement de fin de marche où allait se donner des monologues vides de
réformistes-collabos et capitalistes verts comme Steven Guilbault et
Laure Waridel.
Au début, la marche entrait dans le parc, bien ordonné et puis arriva
le contingent anticapitaliste qui s’est dirigé vers la grande bannière
verte et noire en gueulant « le capital détruit la Terre, guerre au
capital! » tout en continuant de bloquer le boulevard René-Lévesque.
Quelques autos sont restées coincées et des flics en vélo sont venus
s’interposer pour qu’on laisse passer les deux-trois autos. Ils se sont
vite éloignés ensuite, la foule leur gueulant après, et sont restés
tranquilles sur le trottoir à regarder, postés à quelques mètres de là.
Le fait que certain.e.s ont tenu la rue fit en sorte que peu-à-peu le
reste de la foule se mit à déborder du périmètre tracé par le service
d’ordre, les passant.e.s et participant.e.s de la marche se mirent à
leur tour à occuper de facto la rue, y marchant librement pour se
déplacer entre l’événement de monologues de réfos et la foule intrigante
entourant la bannière verte et noire avec qui on venait jaser, étant
donné aussi qu’il n’y avait pas là les hauts-parleurs crachant du
reggeaton entre monologues vides.
« non à la C-45 / quand le dernier arbre sera abattu, la dernière
rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors vous vous
apercevrez que l’argent ne se mange pas »
Vers 16h il y avait déjà une grosse foule réunie dans la partie du
parc derrière la bannière aux couleurs écoanarchiste. Des certain.e.s se
sont dirigé.e.s vers la rue commerciale Ste-Catherine bloquant la
circulation pendant un moment au coin Metcalfe, en plein centre-d’achat à
ciel ouvert. La foule s’est mis à grossir et à marcher sur
Ste-Catherine, scandant entre autres « le peuple Innu jamais ne sera
vaincu! », s’arrêtant pour occuper les intersections pendant que
d’autres continuait d’affluer. Des médias ont rapporté qu’une centaine
d’anarchistes/anticapitalistes avaient bloqué la circulation, mais en
réalité ce furent quelques centaines de personnes qui emboîtèrent le
pas. Une manifestation spontanée, sans itinéraire, donc illégale,
défiant ainsi avec succès le règlement P6 qui a été appliqué à la lettre
ces derniers mois à Montréal.
Voici un tract qui fut distribué massivement pendant la journée :
Parce que la paix sociale tue 200 espèces par jour
Nous sommes en 2013. 97 % des forêts ont été coupées; 98 % des
prairies naturelles ont été labourées ou asphaltées; 90 % des grands
poissons sont disparus à jamais. Nous, les habitants des pays
« développés » consommons en permanence plus de 10 000 watts d’énergie,
soit autant qu’une baleine bleue, 30 fois plus qu’un agriculteur de
subsistance et 40 fois plus qu’un chasseur-cueilleur. Nous allons
allègrement vers un réchauffement de 2 à 5oC avant la fin du siècle et
on nous demande de continuer comme si de rien n’était. On nous berce
d’illusions avec de belles paroles sur les « énergies propres »,
l’« économie verte » et le « développement durable ». Faute de mieux, on
rêve à des technologies chimériques et à toute sorte de délires
citoyennistes.
Nous ne marchons pas pour demander d’être consultés sur une multitude
de projets détestables. Nous marchons plutôt pour nous opposer à ces
projets et à ceux qui en profitent. Nous marchons aussi pour trouver des
alliés sincères dans leur volonté de défendre le vivant. Nous marchons
aujourd’hui même si nous avons honte des discours creux et horreur de la
récupération de cette journée par des entreprises avec des tendances
pour l’écoblanchiment. Nous marchons à vos côtés parce que nous croyons
que vous en avez aussi marre des parades, de faire semblant.
Nous ne sommes pas ici pour réclamer une « juste part » de
l’exploitation des « ressources naturelles ». Nous n’avons rien à faire
d’un « bien commun » qui monnaye sa complicité dans l’écocide en cours.
Nous savons, comme vous, que ce qui est aujourd’hui qualifié de
« ressource » est depuis toujours l’habitat de quelqu’un-e, d’animaux et
d’une multitude d’autres êtres vivants. Nous savons aussi que ce qu’on
nomme « développement » n’est qu’une pulsion pathologique. Nous savons
qu’il faut rompre avec une telle logique parce qu’elle est suicidaire.
La Terre ne nous appartient pas.
L’écocide est en cours. Il y a cet horrible Plan Nord rebaptisé
« Nord pour tous » avec ses allures de « bar open », ces projets de
barrages petits et grands (ex. La Romaine, Val-Jalbert), ces forages,
ces coupes à blanc, ces ponts, ces routes et ces oléoducs qu’il faut
arrêter. On parle de faire passer un pipeline de 850 000 barils/jour de
pétrole brut synthétique le long de la vallée du Saint-Laurent. Il n’est
pas question, ici, de demander d’être consulté, compensé ou de recevoir
quelques garanties. Il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour
arrêter ce monstre! La question n’est pas de savoir si un désastre
risque d’arriver chez nous: cet oléoduc est l’une des artères qui
permettront d’alimenter le cœur du désastre que constituent les sables
bitumineux. Cette destruction d’habitat sans précédent, cette pollution
de l’eau, de l’air et des sols, et ces émissions de CO2 nous ordonnent
d’agir si nous ne voulons pas en être les complices. Le moindre mal
n’est pas une option.
Contrairement aux discours officiels, nous n’avons aucune solution
toute faite à vous proposer. Nous nous contentons de vous inviter à
élaborer vos propres plans en vous assurant que d’autres ailleurs
s’affairent déjà à la tâche de construire une culture de résistance et
de transgression. Fini les compromis! Arrêtez de chercher l’opinion
publique et faites ce que vous avez réellement envie de faire pour
défendre le vivant,
Tuons le capitalisme avant qu’il nous tue!
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